Intolérance au gluten

 

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Voici des extraits de l’article de Denis Riché (sport et vie hors série n°42 ) « les cerveaux qui collent »

Les régimes d’exclusion du gluten se propagent, serait-ce un phénomène de mode ? Les scientifiques sont partagés, Denis Riché fait le point des connaissances sur le sujet.

Rappelons qu’il existe effectivement une véritable allergie au gluten, il s’agit de la maladie coeliaque, qui touche entre 0,5 et 2 % de la population. Il s’agit d’une réaction du système immunitaire à la présence d’une protéine du gluten en l’occurrence la gliadine.
Mais beaucoup de personnes seraient non pas allergiques mais intolérantes au gluten sans qu’aucun examen ne puisse mettre quoique ce soit en évidence, comme c’est le cas dans la maladie coeliaque.
Comment se fait-il qu’un aliment comme le pain fasse parler autant de lui après des siècles de digestion sans histoire ?
Mais s’agissait-il du même pain ?
Au XXème siècle on a découvert que le gluten jouait un rôle essentiel dans le processus de panification et on a sélectionné des variétés de blé où il abonde. Après la 2ème guerre mondiale les choses se sont accélérées. Par de nouveaux croisements on a obtenu le grain nécessaire à la confection d’une farine parfaite : blanche, pétrissable à souhait, facile à lever… et très riche en gluten!
La flambée des intolérances date précisément de cette révolution.

Beaucoup d’auteurs croient en l’existence d’une « intolérance au gluten non coeliaque » ils observent des signes préoccupants liés à la consommation de gluten, sans qu’il n’y ait de signe biologique décelable et sans que les biopsies intestinales ne révèlent aucune anomalie de la muqueuse du grêle. Et il s’agit bien d’une intolérance puisque ces symptômes régressent avec l’éviction de la protéine.
Or c’est cette pathologie qui semble actuellement progresser de façon phénoménale dans toutes les tranches d’âge mais surtout chez les 30-40 ans.
Les symptômes en questions sont : maux de ventre, céphalées, fatigue, confusion, douleurs musculaires. Etant donné que ces manifestations ne s’accompagnent d’aucune anomalie aux examens biologiques, on les rangeait dans les phobies alimentaires.
Depuis peu les scientifiques y prêtent plus d’attention. Une étude parue en 2011 illustre cette tendance. Les gastro-entérologues qui ont conduit ce travail autour du Professeur Jessica Biesiekierski (université Monash à Melbourne) ont décidé de s’intéresser à ces patients embêtants.
Ils ont simplement sélectionné 34 patients ayant banni le pain et les biscottes. Ils ont séparé ces volontaires en 2 groupes. Ils ont demandé à ceux du premier de réintroduire quotidiennement 2 tranches de pain et 1 muffin dans leur alimentation. Ils ont demandé la même chose à l’autre moitié.
Avec une différence toutefois. Dans le premier cas, il s’agissait de pain et muffin sans gluten. A la fin de chaque semaine était faite une évaluation au niveau de la fatigue, douleurs digestives, non digestives, qualité de vie. Dès le 8ème jour, tous les scores s’effondraient dans le groupe de ceux qui avaient vraiment assimilé du gluten, alors qu’ils restaient stables dans l’autre. Tout ceci survenait sans la moindre modification des marqueurs biologiques. Pourquoi ? Mystère !
Il semblerait que l’intolérance au gluten puisse agir aussi au niveau psychologique et cognitif. En effet des petits bouts de gliadine vont se retrouver dans la circulation et vont interférer avec certaines aires cérébrales ou divers récepteurs sensoriels. Ces molécules constituent une famille désormais connue des biologistes sous leur nom d’endorphines exogènes ou « exorphines »
Elles s’apparentent aux endorphines naturelles et se lient aux mêmes récepteurs. Mais leur effet diffère radicalement. Les endorphines provoquent le calme et la sérénité. Les exorphines génèrent des douleurs et de l’angoisse. Des biochimistes russes ont effectivement démontré qu’elles amplifiaient l’état de souffrance et pouvaient même entraîner des perturbations comportementales.
Ces scientifiques reformulaient ainsi la thèse du professeur Karl Reichelt en Norvège. Il y a 25 ans, celui-ci avait déjà fait le lien entre la présence dans le sang de peptides dérivés de certaines formes de caséine et de gluten et le développement de maladies graves comme l’autisme et la schizophrénie.
Ces travaux sont contestés, et jusqu’à présent les pontes de la psychiatrie rechignaient à investiguer cette piste. Mais on trouve trop de corrélations pour ne pas se poser de questions. Ainsi chez les enfants pour lesquels le diagnostic de maladie coeliaque a été posé, on enregistre plus de cas d’hyperactivité, de déficit de l’attention, de fatigue, de troubles de l’apprentissage et de maux de tête.
Le professeur Mario Hadjivassiliou du Département de Neurologie de l’Hôpital de Sheffield et son inséparable comparse, le gastro-entérologue David Sanders ont démontré la présence d’anticorps anti-transglutaminase dans le cerveau de certains patients et fait le lien avec certains processus de dégénérescence de cellules du cervelet et/ou du cortex. Plus récemment un mécanisme similaire a été décrit dans le cas de la sclérose latérale amyotrophique ou certaines formes d’épilepsie. Leur travail publié en 2010 dans The Lancet a posé les bases de la maladie coeliaque dite « neuronale » qui est tout sauf un nouveau snobisme pour reprendre l’expression du psychiatre français Gérard Apfeldorfer.

Le 26/08/2015